Dix sons de rap français pour partir en manif

jeudi 9 juin 2016, par SURL. .

Revoir un (meilleur) printemps. Les mouvements sociaux secouent la France comme on chasse la poussière d’un tapis usé. Toutes les générations se retrouvent pour exprimer leur ras-le-bol, cette sensation que l’on a quand on continue de remplir un vase qui déborde depuis longtemps. Nouveauté des manifs version 2015-2016, le rap sous toutes ses formes s’affiche désormais sans gêne dans les cortèges. Ça tombe bien, on est revenus sur plus de vingt ans de rap militant pour créer la bande son parfaite de ton prochain défilé.

La mise au premier rang du rap dans les manifestations étudiantes a été documentée à l’envie : des sites spécialisés aux médias généralistes, comme Le Monde ou L’Express, qui s’extasient de la place qu’occupe désormais cette musique dans la vie des jeunes. "Le monde ou rien" comme leitmotiv, Ademo et NOS en parrains inattendus du mouvement. La jeunesse défile avec ses punchlines favorites écrites à la bombe sur des banderoles. C’est ainsi qu’une phase d’SCH, "s’lever pour mille-deux c’est insultant", est devenue le mantra des cortèges – il nous confirmait d’ailleurs récemment que pour "mille-trois aussi", mais ça risque de commencer à faire long sur les pancartes.

Tout semble réuni pour affirmer que le rap prend petit à petit la place du rock alternatif franchouillard qui rythmait les défilés de tes géniteurs, soixante-huitards en chaussettes-sandales. Alors du rap oui, mais quel rap ? On imagine bien qu’il est peu adapté de profiter d’une manif pour faire péter les bouchons de liège ou conter les impacts de sa vie de nouveau riche sur la carrosserie de sa Lamborghini. Ce qu’il faut c’est des hymnes, de la dynamite textuelle qui fasse trembler jusqu’aux fondations de Babylone. On a également besoin d’une dose de joute verbale, quelque chose qui mette bien la patate – la rengaine rap conscient, rap barbant a déjà été éprouvée.

Tu te demandais justement quel fond sonore passer la prochaine fois que ton pied foulera les pavés ? On a sélectionné dix perles indispensables à jouer sur tes mini-enceintes Bose – ok c’est capitaliste, mais t’as collé un autocollant Bob Marley dessus donc ça compte pas. Les dix titres qui suivent donneront du rythme à ton cortège, de la hargne pour changer le monde et des cailloux à ramasser pour ceux qui auraient envie de marquer leur passage comme le Petit Poucet. Certains sont vieux, d’autres récents. Tous sont d’actualité. Bah ouais. Du rap en cortège, et du bon.

5 of 5Next
Use your ← → (arrow) keys to browse

Less du Neuf ft. Fonky Family – Nique le monopole des grands (1995)

Moins connu que d’autres sons de cette liste, on a pourtant là un petit trésor enfoui, sorti en 1995 sur le label Dooeen Damage. Imbibé par la mélancolie d’une période où les samples de piano lancinants étaient en vogue, Less du Neuf savait kicker ça. Et surtout, la FF en featuring, avec un Sat et un Rat Luciano qui survolent carrément le beat. « Les choses vont changer, faut qu’on soit plus à manger. » Tout est dit.

La rumeur – tout brûle déjà (2012)

« Il n’y a pas plus politique que La Rumeur », disait un jour l’un de ses membres au journal Le Monde. Au vu du CV, difficile de lui donner tord. Entre guerre ouverte contre Skyrock, trois albums sur quatre publiés comme des poisons d’avril à l’aube des élections présidentielles (2002, 2007, 2012) et surtout un clash judiciaire mémorable contre l’ancien président de la république Nicolas Sarkozy (dont il sortira vainqueur après huit ans de procédures), la bande formée entre autre par Hamé, Ekoué et Le Bavar a toujours eu la manie de se transcender là où ça sent le cramé. « Tout brûle déjà », track éponyme de leur dernier opus en date, est une énième pépite d’un crew qui, s’il n’a plus rien à prouver sur sa crédibilité, continue de cultiver vingt ans après ses débuts une fibre contestataire, tout en se livrant à une écriture plus introspective. De quoi demeurer explosif autant en concert qu’en manif’.

BONUS : Joke – On est sur les nerfs (2014)

« On est sur les nerfs », peut-on être plus explicite ? Si les mouvement sociaux sont là pour exprimer une forme de mécontentement, prenez le morceau de Joke comme l’allégorie de notre message : au début on parle doucement, on essaye de faire comprendre calmement que cela ne va pas. Puis nous ne sommes pas entendus, donc on élève petit à petit la voix et on accélère notre flow à l’image du MC montpelliérain. Malgré ça : toujours rien. C’en est trop : on explose, on descend le crier dans la rue « On est sur les nerfs ». Casque vissé sur la tête, Joke nous guide en haranguant plein de rage la partie la plus révolutionnaire en nous. N’oublions pas de saluer le travail de Ikaz Boi à la prod de ce titre qui participe énormément à l’émergence de notre côté Che Guevara. Attention tout de même à ne pas s’égarer et lancer un mosh pit dans son propre camp.

5 of 5Next
Use your ← → (arrow) keys to browse

Article recommandés

2017, une année rap en 17 actes
2017 touche à sa fin. Que retenir ? Qu’a-t-on le droit d’oublier ? Chaque fin d’année, c’est toujours la même histoire. Tout le monde se demande quels épisodes des 365…
Est-il nécessaire de rehausser le disque d’or ?
« J’ai connu l’age d’or. L’époque des disque de platine. L’époque des vrais disque d’or, pas les 75 000. » Dans « C’est la vérité » en 2009, Disiz mettait déjà le doigt sur…

les plus populaires