Le mardi 23 octobre, nous étions invités par le collectif L’Original à assister à une double projection, d’abord celle du court métrage « Ce chemin devant moi » réalisé par Hamé, puis du film « De l’encre » réalisé cette fois par les deux membres de La Rumeur. Poignants, prenants même, et surtout représentatifs d’une vision d’une réalité que les deux emcees s’entêtent – presque – à véhiculer depuis plus d’une décennie, c’est avec le sentiment d’avoir assisté à l’éclosion de cinéaste de talent que nous sommes sortis de la salle. On en redemandait.
Bingo. Le lendemain, mercredi 24 octobre, « la rumeur » courait dans les rues de Lyon que le groupe mythique se produisait au Ninkasi Kao. Après quelques années loin de la scène, il ne fallait rater sous aucun prétextes l’une des premières prestations live de leur dernier album, « Tout brûle déjà », le quatrième opus aiguisé du groupe sorti au printemps dernier. Un évènement organisé, une fois de plus, par L’Original. A l’aube de la quinzième bougie de La Rumeur, Ekoué, Le Bavard et Hamé ont donné le meilleur d’eux-mêmes devant un public lyonnais réceptif, connaisseur et black-blanc-beur. En effet, hier soir, tout le monde s’accordera à dire que l’expérience de ces trentenaires effrontés a parlé, et que le show transpirait (littéralement) le rap français dans sa plus belle définition.
La première piqûre de rappel ne se fut pas attendre : dès leur arrivée, le désormais classique « L’ombre sur la mesure » leur permit de galvaniser leur public et de prendre possession de la scène, pour le plaisir de leurs plus fidèles fans. C’est alors qu’Ékoué prit le micro pour balancer dans la foulée « Blessé dans mon égo ». S’en est suivit des tracks plus récentes comme « La meilleure des polices », ou encore un « Hors sujet » qui commence à faire sérieusement parler de lui sur la toile. Fidèles à leurs principes, les rappeurs n’ont pas manqué le coche pour rappeler avec beaucoup de fierté le chemin de l’indépendance qu’ils ont souhaité emprunter des années plutôt, à travers le titre « La Rumeur vs Skyrock ». Dans leurs nouveaux textes toujours aussi subtilement politisés, les parisiens de n’ont pas ménagé l’ancien quinquennat, ni le nouveau gouvernement socialiste et les dérives sécuritaires de l’actuel Ministère de l’Intérieur de Manuel Valls. D’ailleurs, chaque temporisation entre deux morceaux était une occasion pour eux, notamment pour Ékoué, le politologue du groupe [ndlr, il est diplômé d’une maîtrise en sciences politiques], d’aborder des sujets comme l’immigration, la décolonisation ou encore la Françafrique, soit disant éteinte.
Toujours aussi authentique (en atteste leur bain de foule improvisé, cerise sur le gâteau), à mille lieues du rap game et des mauvaises punchlines parfois ineptes, La Rumeur vient de revigorer durablement son public et son rap conscient ancré pourtant dans la roche des années 90, et ce avec une isolante facilité. Un défi que peu de emcees parviennent à relever, on ne le dira jamais assez, tant il est périlleux de réussir le challenge de ne pas changer de cap à mesure que les années filent. Quoiqu’il en soit, La Rumeur se propage et promet un grand concert à l’Olympia le 8 novembre prochain, histoire de fêter dignement leur anniversaire.
Crédits : Pierre-Etienne Genthon