Il y a des concerts que l’on attend toute une vie. Celui de Lauryn Hill en faisait partie.
On a dit des sales choses sur l’ex-chanteuse des Fugees ces dernières années. Qu’elle ne valait plus rien, qu’elle était camée, finie, décevante. Mais l’Olympia, qui a payé sa place 62€, a envie d’y croire. Et il ne pardonnera rien.
21h45 : full band, batterie, choristes, entament les premières notes du concert. Lauryn Hill chante, mais première surprise, elle n’est pas sur scène. Démonstration de force d’une star qui n’a rien a prouver à ses détracteurs : le public s’agite, puis trépigne d’impatience, hurle son nom, la voilà, visiblement heureuse, comme on l’avait laissé il y a 7 ans, face à un Bercy abasourdi par des Fugees alors immortels.
Mais les Fugees, on comprend tout de suite que c’est fini, Lauryn elle, elle s’en fout, et elle décide d’ouvrir par « Killing Me Softly » comme une provocation, comme pour s’en débarrasser, et tant pis si nous, on l’attendait à la fin, superbe, magistrale, et inoubliable. Sauf que « Killing Me Softly » va durer 12min. Et que c’est « Killing me Softly », mais en ska. Et puis tant qu’à faire, après elle va faire « Everything is Everything », mais en ska aussi. Tellement ska qu’en fait, on ne les reconnait même pas. Elle reprend ensuite « Light My Fire », des Doors, puis « Concrete Jungle » de Bob Marley. Sauf que je suis forcée de me rendre à l’évidence : Lauryn Hill fait complètement n’importe quoi. Elle s’affole après chaque morceau en allant voir ses musiciens qui jouent pourtant, eux, le jeu. Elle fait de grands gestes, revient, repart, ne sait pas trop où elle est.
22h : elle quitte la salle après 25min de show. Revient, changée. Pourquoi? Pour « Zion », que l’on ne reconnait pas non plus. L’exercice est hasardeux, ambitieux mais la prestation elle, est belle et bien médiocre. Autour de nous, plus personne n’y croit. Des anglais derrière nous : « I want my money back« . A coté, les gens discutent, sortent chercher des bières, attendent la fin. Pendant ce temps là, « Zion » continue. Longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Parfois, il y a pourtant des instants où l’on a encore envie d’y croire, le final de « Zion », bien que long, est enthousiasmant, et tout ce brouillon aurait sa place dans un concert réussi. Mais là, c’est plus du brouillon dans un concert, c’est du brouillon dans du brouillon. Solo de guitare superbe qui semble dire « allez Lauryn, arrête de déconner, bouffe les les français », mais qui n’y fera rien.
Parce que c’est clairement mort pour les surprises : « Lost One » est honteusement baclée, « Ex Factor » n’est pas mieux. Et soudain, il se passe quelque chose dans cet Olympia qui discute : la déception se meut en révolte. Je fais ce putain de métier pour une chose : pour le plaisir d’entendre un « Lost One » par an, par décennie même. C’est un choix, mais je sais que ça les vaut, et je n’en ai jamais douté.
Ce moment Lauryn tu vois, je l’ai attendu 25 ans. Et Lauryn, ça, t’avais pas le droit. T’as pas le droit d’offrir une prestation comme celle ci, t’as pas le droit de penser que c’est bien, et de toute façon je vais te dire une chose : ce que tu penses, là, on s’en fout. Ton concert c’est de la merde, personne te supporte, des gens ont renoncé à des diners, à des vacances peut-être, à offrir des cadeaux à des gens qu’ils aiment pour venir te voir ce soir. T’avais pas le droit, mais toi tu t’en fous. A ce moment là on aurait tous du partir. Ca tombe bien, c’est fini.
Mais toi Lauryn, contrairement à nous, pauvres, aigris, méchants, et peut-être un peu jaloux ; t’avais pas oublié que t’étais Lauryn Hill. Alors on avait beau plus avoir envie de te voir, t’es revenue faire ton rappel quand même. C’est à ce moment là qu’on a commencé à comprendre. Tu t’es dit je vais revenir, et je vais leur faire « Could You Be Loved », on verra bien ce que ça donne. On a rien dit. On a commencé a chanter, et puis voilà, c’était bon, t’étais là. On a presque pleuré de te voir revenir. Tu parlais plus à ton groupe entre les morceaux, t’étais trop occupée à chanter avec eux. Et puis comme t’avais raté « Killing Me Softly », t’as décidé de la rechanter. En mieux. En mieux, que dis-je, en tellement bien qu’il fallait y être pour en parler, et que même moi qui étais là, je ne sais pas quoi en dire. T’es une putain de star Lauryn, voilà ce que t’es. Et puis comme on en avait pas assez, t’es partie sur « Ready Or Not ». On avait presque oublié qu’on l’attendait depuis le début.
On s’est tous regardé, parce qu’on le sait, qu’on ne reviendra plus jamais, qu’il va falloir se dire au revoir une bonne fois pour toute. T’as préféré la drogue, t’as préféré nous oublier, t’as peut-être pas eu vraiment le choix. Mais nous on oubliera jamais que tu as été là, qu’un jour quand on était petit on a écouté The Score tous les jours en attendant ce lundi soir à l’Olympia.
Salut Lauryn !
Merci à Mr Mass pour ses photos, ainsi qu’à Live Nation.