00h40. Plus de métro. Sur un vélo’v tuné façon scelle tordue, mon acolyte et moi nous nous dirigeons à toute blinde vers le Kao pour la première nocturne de L’Original Festival 2013, tout juste après le show du vendredi soir à la Sucrière.
A notre arrivée, la partie End Of The Weak du programme touche à sa fin. Arcanes s’impose face à Sinai, Joe Natt, Vincenz, Tupan et KRM : il représentera le Sud-Est du pays lors de la finale nationale. Nous, on prend une bière et on est content de ne pas avoir loupé le passage de La Gale, notre rappeuse suisse préférée.
L’actrice préférée de La Rumeur – cf son rôle dans le film « De l’Encre » – arrive sur scène éméchée, verre à la main, Converse aux pieds et tatouages sur les bras. Nous, on tombe amoureux. Plus sérieusement, ce petit bout de rappeuse développe une énergie sur scène qui ne laisserait personne indifférent. La libanaise d’origine ne cache pas son engagement : « Il y a des anti-conformistes dans la salle ? » – « Ouuaaaaaiiisss », scandait alors un public venu voir Joke and cie sur scène. Ô ironie. Majeur en l’air, La Gale enchaine les tracks de son album éponyme et échange avec un public qui ne la connaît pas forcément. Après « Trop peu de temps », « Frontières » ou « Un singe en hiver » – avec un bon petit sample de Jean Gabin, elle récupère son verre et quitte une scène où elle a réussi à s’imposer. Arkana, Casey, méfiez-vous, la démangeaison arrive.
Sans transition aucune, Taipan s’avance dans la chaude ambiance du Kao et lance le plateau Can I Kick It. Avec l’humour et le flow qu’on lui connaît, le emcee de Bomayé Music chasse l’atmosphère de rébellion installée par sa devancière. On bascule tout de suite sur des thèmes plus légers : « J’en ai strictement plus rien à foutre, ouais, je viens de me faire sucer. » Drôle d’impertinence, il poursuit : « La fellation, c’est bon pour la santé il paraît. Les meufs, si vous voulez boucher le trou de la sécu, il faut peut-être utiliser davantage les votre ! » Ahahah. C’est sur cette belle note de fin que Vicelow entre en scène, le populaire leader du Saïan Supa Crew. Ni une ni deux, le « noir à lunettes » rappelle à tout le monde que quinze ans de carrière, ça aide à devenir bon. Peut-être la meilleure performance de la soirée, à moitié à capella, où Vicelow en aura bluffé plus d’un. Chapeau.
« J’viens mettre MTP sur la caaaarte. » Lors de son premier Can I Kick It, Joke a confié, lors d’un entretien à OFive TV, avoir trop bu. Du coup, il avait eu un peu de mal à être performant. Personnellement, cela fait deux semaines que je me passe « MTP Anthem » et « PLM » tous les soirs avant de dormir, j’attendais ainsi beaucoup du Montpelliérain. Peut-être que cette fois, il était sobre. Peut-être pas. Dans tous les cas, j’ai kiffé ma race comme jamais – histoire de rester poli. Joke a progressé, a travaillé, et ça se ressent sur scène. Dans ce qu’il fait, le mec est crédible, et ça c’est déjà franchement énorme.
Au tour des papas de la soirée d’investir la scène : Dabaaz et Greg Frite entrent en scène remontés comme des pendules, motivés comme jamais après la performance de leur prédécesseur. Classique après classique, les deux anciens nous passe le mémo : Triptik, c’est quand même sacrément cool. Mais les deux chefs d’orchestre de la soirée – avec tout de même Drixxxé, leur deejay, qui a franchement assuré sur chaque set – nous réservaient encore une petit surprise avant de conclure cette belle kermesse : quelques minutes après l’apparition de Deen Burbigo et d’Eff Gee sur scène, les deux bonhommes de l’Entourage sont rejoints par Alpha Wann, Nemir et les techniciens Hologram Lo’ et Every Dayz. Un medley géant qui ne se finira qu’à 4h20, micros pétés et voix cassé. Entre improvisations alcoolisées et sets préparés, la soirée donne, au final, une assez belle image du hip hop : une hétérogénéité certaine, mais l’amour commun du genre, peu importe s’il traite de « lame Gilette dans les chaussettes » [ndlr, « Triumph », Joke] ou de « « monstres à contre-sens dans des effluves d’essence » [« On mate sur les côtés », La Gale].