Cinq heures de sommeil dans les dents (cf notre looongue soirée d’hier), une queue immense, une pluie battante, un dispositif de sécurité qui laisse perplexe, c’est dans ces conditions qu’on attaque notre troisième soirée dédiée à L’Original Festival, 10ème du nom. On se faufile dans la salle à 20h30 via une porté dérobée du bâtiment – merci l’organisation, d’ailleurs, sans qui nous serions morts noyés – en ayant raté les deux premiers passages, La Marabunta et Expérimental. Mais comme dirait l’autre, « pas l’temps d’niaiser » : à peine le temps de s’installer, que Rocé commence son show dans une salle de la Sucrière déjà pleine comme un œuf.
Le rappeur, on le savait, bénéficie d’une certaine aura dans le milieu et ça se ressent tout de suite. Dans un style décontracté – jogging, veste et étrange couvre-chef, l’artiste ne tarde pas à prendre possession de la scène de la Sucrière et se met tout de suite à l’aise avec son public. Rocé, c’est un bonhomme quand même : un deejay, pas de backer et une heure de show à égosiller ses lyrics pointus. Authentique. Il alterne entre anciens titres et nouveaux, notamment ceux qui apparaissent sur son dernier projet, « Gunz N’ Rocé ». Le Parisien enlève rapidement sa veste, pris par la chaleur montante de la salle : du titre culte « 10/10 » à « En Apnée » avec un petit détour par « Assis sur la lune », quitte finalement une scène à peine assez grande pour soutenir sa carrure.
Place à Koma, Haroun, Mokless et Morad. C’est sans discrétion aucune, sous une ovation monstre, que la Scred Connexion envahit la scène de la Sucrière face à un public acquis à leur cause. Un à un, les Parisiens se présentent : leur popularité n’a pas pris une ride et classique après classique, ils bercent leur public de leurs morceaux, avec un charisme dont on est presque nostalgique. Afin de reposer les quatre membres, DJ Sinsima assure le show pendant quelques minutes avec quelques scratchs diaboliques. Haroun et sa bande reviennent à bloc pour la deuxième partie du set avec des pistes rythmées, l’ambiance est électrique et Mokless se permet de se jeter a moitié dans le public. Mais il est temps pour eux de quitter la scène, c’est l’heure d’accueillir Keny Arkana.
Les enchainements entre les artistes se déroulaient pour le moment très bien, mais il faut une demi-heure pour les techniciens d’installer le live band de la Marseillaise. Alors que le public s’impatiente et scande le nom de Keny Arkana, ça s’agite en coulisse avec la sécurité – plus de 50 personnes – qui doit gérer quelques débordements. La tension monte.
A 23h30, Keny arrive (enfin) avec une rage phénoménale qui fait sa marque de fabrique. Le public est réceptif, jump à tout va, drapeaux argentins en l’air : on vient de passer dans une autre dimension. Une dimension dans laquelle nous ne sommes d’ailleurs pas autorisés à occuper le devant de la scène pour prendre quelques clichés. Peu importe. Elle commence fort avec « Dis Leur », histoire d’affirmer une bonne fois pour toute sa réputation de bête de scène. Le live band amène une touche acoustique qui se marie parfaitement avec la voix de la rappeuse. Les pogos se multiplient, les 3000 personnes de la Sucrière sont littéralement en transe, happées par l’énergie communicative de la jeune trentenaire. Le genre de show assez rare pour que l’artiste puisse se permette de faire attendre son public pendant trente minutes, le genre de show après lequel les plus grands passeraient pour des tout-petits. Heureusement pour eux, c’est elle qui saluera la foule en dernier, dans acclamation générale.