Marseille et sa production, signore. Nos pérégrinations estivales nous ont menés au coeur de la fournaise phocéenne pour couvrir la 19ème édition de l’excellent festival Marsatac. Deux jours de folie furieuse qui sont passés à la vitesse d’un trait d’esprit de Patrick Bosso. Pour ne pas perdre une miette de ce rendez-vous à la programmation hip-hop aux petits oignons, on vous a concocté un report des moments qu’on a trouvé marquants.
On va vous faire une confidence : pour certain-es d’entre nous, les festivals musicaux de l’été riment plus souvent avec sneakers fusillées par la boue ou la poussière, coups de soleils mal placés, bière éventée et musique trop forte qu’avec moments d’extases musicaux. Quel grand bien nous a pris d’aller contre-vérifier nos a priori en nous frottant à la smala responsable du rendez vous Marsatac, dont la programmation hip-hop de cette année nous avait rendu aussi excités qu’un acarien au Salon de la moquette. Deux jours de folie furieuse égrainés au Parc Chanot, dans une bonne humeur contagieuse qu’on avait rarement vu. Comme on pense à vous, pauvres manants qui n’avez pu vous y rendre, on a décidé, photos à l’appui, de vous raconter les moments les plus marquants du festival comme vous y étiez.
Quand on a compris que le salut du rap ne viendrait plus des Etats-Unis
Que De La Soul, Machine Gun Kelly, House of Pain, Princess Nokia et leurs autres compatriotes nous excusent, mais sans leur faire offense, le game des festivals estivaux 2017 s’est bel et bien fait plier par de vulgaires Européens (dont un arborant un combo survet jaune + moustache + marinière). Pire encore : par des iconoclastes Africains. Et oui, si le rap américain n’en finit pas d’accoucher de légendes qui le maintiennent à flot, son futur se situe bel et bien en Afrique du Sud avec la folie tribale de Die Antwoord, en Angleterre avec le rap catchy mâtiné d’électro de Little Simz, ou en Estonie avec l’eurotrap foutraque et décomplexé de Tommy Cash. De là à créditer la thèse d’un « grand remplacement » digne des envolées paranoïaques d’un Finkielkraut constipé, il n’y a qu’un pas que nous franchissons avec la grâce d’une Surya Bonaly tentant un double flip. Plus que jamais, en musique, la globalisation a du bon. Tu y repenseras aux prochaines élections européennes quand on te reparlera de Frexit.
Quand on s’est fait rouler dessus par Die Antwoord
Autant l’avouer, quand certains membres de notre équipe déboulent dans l’enceinte du Grand Palais du Parc Chanot pour assister au live des turbulents sud-africains, c’est avec l’enthousiasme d’un gothique invité au mariage d’Eddy Barclay. C’est vrai que le duo improbable formé par Ninja et Yolandi a des allures d’antéchrist pour qui a été biberonné au rap orthodoxe. Pourtant, en grattant la première couche, on s’aperçoit que le groupe auréolé d’un succès interplanétaire dispose de sacrés arguments pour dépasser ces guerres de chapelle. En premier lieu, un show incroyable tout en jeux de fumée et vidéos, qui ferait passer l’ouverture du Super Bowl pour un modèle de sobriété. On s’attendait à un live poussif un peu pompier, résultat : on ressort les jambes flagada et la mâchoire endolorie par la baffe visuelle et sonore administrée par deux olibrius qui font plus que maîtriser leur sujet, mais le réinventent. Et puis, voir un rappeur blanc scander avec un accent afrikaner « I come from Africa. I’m your DADDY », ça a plus que de la gueule. Word to the mother.
Quand on frissonné comme des fragiles au concert de la Fonky Family
2017 est l’année du retour des anciens, ceux qu’on met dans la catégorie de « l’âge d’or » du rap français. Quand la Fonky Family a annoncé son retour pour un concert événement après plus de 10 ans d’absence, on y croyait autant que la présence au complet du Wu-Tang sur scène. Entre les plus vieux d’entre nous nostalgiques des années 90 et ceux qui étaient trop jeunes pour avoir l’occasion de voir ce groupe mythique performer en live, l’attente était à son comble. Après une mise dans l’ambiance digne d’un PSG-OM, fumigènes compris, le concert le plus attendu de cette 19e édition de Marsatac démarre avec une promesse : « On ne va pas vous décevoir ». Affirmation transpirante de sincérité autant que nous suintant tout court dans la fournaise du Grand Palais. 1h30 plus tard, on est presque sans voix à avoir hurlé sur leurs morceaux emblématiques, partagés entre émotion et bonheur d’avoir assisté à un live inespéré dont le rap français se rappellera très longtemps. Oui, définitivement : « FF de Mars ne cesse pas de représenter ».
QUAND ON A COMPRIS QU’IL FALLAIT FUIR LE POGO DE VALD
Vous l’aurez remarqué comme nous, le rap n’a jamais été aussi punk qu’en 2017. Quand, dans un élan de provoc’ dont il a le secret, VALD poste une photo de lui en haut du Stade Vélodrome arborant un maillot de l’équipe de Paris, on sait déjà à ce moment là de la journée que le show du soir ressemblera plus à concert des Béru de la grande époque qu’à un récital de clarinette. Quelques heures plus tard, le héraut du rap troll est accueilli sur scène par de chaleureux « Paris, Paris, on t’en***** ». Pas de quoi décontenancer l’auteur de « Bonjour », qui, quelques minutes plus tard, entamera sur « Eurotrap » un pogo dégénérant rapidement en bataille rangée. Au point que notre caméraman fut obligé d’avoir recours à des techniques secrètes de jiu-jitsu brésilien pour continuer son boulot et accessoirement garder sa dignité. Etait-ce une averse de pluie dans le Grand Palais ou des rasades de bières généreusement distribuées dans la gueule des participants du mosh pit ? On préfèrera ne jamais le savoir. NB : pour les besoins de cette séquence aucun supporter du PSG n’a été maltraité.
Quand on a (enfin) admis qu’electro et rap faisaient plus que bon ménage
On te voit venir. La team SURL est-elle réac ? Un Eric Zemmour contrit sommeille-t-il en nous ? La réponse est sur notre site. Il n’en reste pas moins qu’on peut parfois encore se faire surprendre. D’Alltta en passant par VALD et Die Antwoord, oui, de la musique électronique – très électronique – peut éveiller en chacun des auditeurs de rap sombre un doux frisson berlinois en live (surtout après quelques pastis mal dosés). Ce n’est pas le toujours aussi excellent 20 Syl qui nous dira le contraire. Son duo formé avec Mr J Meideros joue avec merveille sur les codes des deux styles musicaux sans jamais lasser. Parfait pour faire suer tout un hangar, la recette n’a pas échappé au trublion VALD qui a fini de retourner l’audience. Oui, on peut aimer l’électro et le rap sans perdre son âme. Ca nous apprendra à être rigoriste.