« J’ai fait comme l’écriture, je suis parti de Bagdad. » C’est dire si Sameer Ahmad est parti de loin. Trois jours après sa mise en ligne, le clip de « Barabbas » extrait de Perdants Magnifiques (à propos duquel on l’avait interviewé), atteint à peine les 1500 vues, et on se dit franchement qu’il y a des cours de redressement musical qui se perdent. Bien sûr, on sait que ça marche pas comme ça, et ne comptez pas sur nous pour trancher entre mainstream et artistes indépendants héros de l’underground… perdants magnifiques ou pas, tout ça reste heureusement hautement subjectif.
Personne n’a le monopole du bon goût, le public a toujours raison tout ça, on sait bien… ouais, mais bon. Ceux qui ne connaissent pas cet emcee au style incroyablement libre, qui joue avec ses propres règles, détaché des codes de l’industrie, ont tout de même tort. Les lyrics de Sameer Ahmad sont un véritable régal pour qui aime la langue française : des phases qui fusent, sortes d’empilements de haïku qui révèlent des sens multiformes. Du genre dont la saveur évolue au fil des dégustations, un peu comme un bon vin. Si les rimes sont à tiroirs polysémiques, pas de quoi le classer au rayon rap intello pour autant : le texte ne (sur) plombe jamais la musique, et le tout est scandé par un flow impeccable, qui allie références à la pop culture et allusions mystiques. Parfait exemple de son style, le titre « Barabbas » qu’il vient de clipper, référence biblique à ce prisonnier qui aurait été gracié par Ponce Pilate, après que celui-ci ait donné le choix à la foule entre sa libération et celle de Jésus. Le beat, efficace, a été réalisé par Mr Ogz.
Le clip, très esthétique, a été réalisé par Tommy Fischer. La mention unreleased qui figure avec le titre est liée à ses conditions de réalisation. Joint par Facebook, Ahmad nous explique : « En fait c’est des images qu’on avait perdues, on devait tourner d’autres tableaux mais pensant avoir perdu les premières images on a arrêté. Et puis Tommy un an après, retrouve une partie des images et décide de faire avec ce qu’il a. » Certainement filmé à Montpellier, peut-être pas loin de l’allée Jay Dee, on a cru y voir Mai Lan, mais en fait non on a halluciné, c’est pas elle, ou alors Sameer ne l’a pas reconnue. Pas grave, même « parano par instinct et un peu par hasard« , l’image, le son et le sens claque, ça va vite et c’est beau.