L’un des derniers tauliers du gangsta rap californien venait, la semaine dernière, fouler les terres lyonnaises, réputées ultra sensibles au son West Coast. Plus attendu au tournant qu’un discours politique de Kanye West, The Game, accompagné d’un backing band infaillible, n’aura pas démérité pendant une grosse heure d’un show gonflé à la testostérone et à la bonne humeur. Retour sur l’événement.
Autant l’avouer avec toute la mauvaise foi qui nous caractérise quand il s’agit de s’enthousiasmer pour des rappeurs plus proches de leur fin de carrière que du début, on n’attendait pas vraiment grand chose du concert de The Game. C’est tout de même mus par l’envie de découvrir ce personnage atypique, qu’on se pointait au Ninkasi Kao, où s’étaient donné rendez vous près de 600 aficionados prêts à en découdre avec un des derniers hérauts du gangsta rap californien venu défendre son très bon dernier album en date, 1992.
Agglutinés en bord de scène, les die-hard fans qui avaient ce soir là sorti leurs plus beaux apparats west-coast, semblaient en tout cas aussi circonspects qu’un athée devant une ostie quand déboulent successivement trois MCs inconnus, se lançant chacun à leur tour dans un chauffage de salle réglementaire mais dispensable -mention spéciale au troisième larron qui s’évertuera à menacer la salle en s’énervant que personne ne connaisse les 3 couplets qu’il a placé en scred sur The Documentary 1. Autant dire qu’au bout de 30 minutes d’intros poussives et de tentatives plus ou moins calées en rythme de faire lever les bras au public, la lassitude commence à poindre même chez les porteurs de bandanas rouges et casquettes LA.
Quand déboule enfin The Game, c’est donc une foule chauffée à blanc par l’attente qui accueille son Blood favori. En quelques secondes, le rappeur impose son style et fait comprendre qu’il n’a pas roulé 23 heures en bus depuis le Nord de l’Europe pour poser de la moquette. Vêtu d’un starter argenté floqué « Compton » dans le dos – au cas où tu te demandais encore d’où il pouvait venir- le fringant gangster embrasse la scène avec un naturel et un charisme que beaucoup doivent lui envier. Souriant et affuté comme jamais, The Game tient la barre du navire et ne se laissera pas chavirer, bien au contraire. S’en suivront une intro démoniaque et un début de set dantesque, dont la palme du climax revient à une incroyable version de « El Chapo ». Aussi moite et interminable qu’un trajet sur la ligne 13 un soir de canicule, la réinterprétation live de son hit produit par Skrillex n’en ressort que plus efficace encore. Les plus romantiques chancèleront et auront compris, The Game a de l’endurance mais déteste les préliminaires.
Autre bonne surprise, c’est un live band du nom de « The Furnace » qui prête main forte au natif de Compton, en lieu et place du traditionnel DJ, ici relégué à la tâche d’envoyer les prods qui se voient gonflées par l’énergie live du combo basse/batterie/claviers. Le résultat donne une énergie d’une ultra-virilité qui ferait passer un combat de MMA pour une compétition de jokari.
Le reste du show se poursuivra sur cette même teneur, entre démonstration technique, complicité goguenarde avec son backeur, sauts dans la foule, mais n’évitera pas les passages obligés : hymnes à Compton, diatribes anti Trump et hommages aux pionniers du son west coast. On retiendra le final émouvant sur « Hate it or love it » en se disant que du côté de la côte Est, nombre de vieux fessiers de rappeurs venaient de prendre cette fois encore une sacrée déculottée.